L'AUE a organisé un colloque intitulé "Construire la ville à partir de ses espaces publics" le lundi 13 mai 2019 au Palais Lantivy à Ajaccio.
Ce colloque a été organisé à l’initiative de l’Agence d’Aménagement Durable, d’Urbanisme et d’Energie de Corse. L’Agence s’est appuyée sur une mission d’assistance confiée à la Junior Entreprise de l’Ecole d’Urbanisme de Paris, via une équipe composée de trois étudiants de master (Jaurès Djamadjibaye, Manon Duboust, Lisa Nguyen) accompagnés d’un enseignant (Laurent Coudroy de Lille).
Retrouvez ci-après le compte rendu intégral:
Le contexte
Or, on observe encore aujourd’hui des quartiers récents résultant de ce qu’on peut appeler un « urbanisme de promoteur » dans lesquels aucune attention sérieuse n’a été portée aux espaces publics ; pour cette raison, ces quartiers posent des problèmes à la fois aux responsables publics (ce sont des quartiers qui « fonctionnent » mal) et aux habitants (la qualité de vie y est généralement médiocre).
Ces quartiers ainsi conçus nous amènent à nous interroger sur plusieurs plans. Sur le plan de la domanialité, ces espaces sont souvent pour l’essentiel constitués de propriétés privées : logements privés dans des immeubles privés, construits autour de parkings privés ; zones commerciales ou d’activités elles aussi privées. Dans ces espaces nouvellement construits, il semble qu’une vie entière peut ainsi se dérouler dans des espaces uniquement privés, que ce soit pour le logement, le travail, les achats ou les loisirs.
Par ailleurs, on peut s’interroger sur les fonctions qu’assurent – et qu’en réalité ils n’assurent pas ou mal - des espaces de ce type. Les fonctions habituellement attribuées à des espaces publics sont ici réduites à la portion congrue, voire inexistantes : liaisons entre quartiers, espaces de circulation ouverts à tous les modes (marche, vélo, transports en commun, etc.), espaces de déambulation, de rencontre, etc. Le résultat visible est que ce type d’espaces n’est jamais en pratique prévu pour permettre la circulation autre qu’automobile, mais non plus la déambulation, la rencontre, bref, ce qui fait l’intérêt et le charme millénaire de la ville.
Cette importance portée à l’espace public est ancienne. C’est cette idée qu’exprime l’écrivain Louis-Sébastien Mercier dès le 18ème siècle dans Tableau de Paris : « la ville commence avec le trottoir » ; ou encore le philosophe Emil Cioran au 20ème siècle : « on pourrait dire que la ville discontinue d’aujourd’hui, celle de la voiture, se repère grâce à la fin du trottoir ». C’est la raison d’être des grands boulevards haussmanniens, de permettre au peuple des grandes villes de se donner à voir à lui-même, depuis le grand bourgeois jusqu’à l’ouvrier, et cela dans le plus parfait anonymat. C’est exactement de cela dont parle le texte de la chanson bien connue d’Yves Montand.
Rappelons-nous que la ville fait partie des plus anciennes inventions humaines, probablement même antérieure à l’écriture dont elle a certainement accélérée l’apparition ; et la raison première de l’invention de la ville, c’est qu’elle permet la rencontre, l’échange (humain et aussi économique), et c’est tout cela que l’absence d’espace public freine ou empêche.
Vis-à-vis du fonctionnement général de la ville moderne, l’absence ou le mal aménagement de l’espace public pose notamment problème sur le plan de la mobilité des personnes : la ville ainsi construite s’avère peu fonctionnelle, menacée en permanence de thrombose automobile, difficile à vivre pour de nombreuses catégories de personnes, notamment parmi les plus vulnérables (jeunes, personnes âgées, handicapées, et plus généralement les personnes ne disposant pas de moyen de déplacement motorisé). Ces quartiers dont la connexion aux voiries existantes n’est pas pensée, si ce n’est via l’utilisation systématique de la voiture se révèlent être au bout du compte de véritables lieux de relégation pour les personnes non motorisées.
L’absence d’espaces publics - au sens d’espaces appartenant au domaine public et ouverts librement au public - génère aussi des lieux sans présence significative de piétons, ce qui entraîne des problèmes de sécurité et de qualité de vie. De tels espaces où la présence humaine est rendue intermittente sont en effet souvent davantage concernés par les actes d’incivilité.
Enfin, la ville privée d’espaces publics aménagés débouche la plupart du temps sur une forme urbaine déstructurée, sans cohérence, sans grande valeur patrimoniale, et de ce fait avec un risque à terme de dévalorisation du patrimoine bâti.
PROGRAMME DU COLLOQUE
Ouverture du colloque par Jean BIANCUCCI, Président de l’AUE
Séquence 1: Contexte et enjeux des espaces publics
Antoine-Marie GRAZIANI, professeur à l’ESPE de Corse
Espace(s) public(s) : une espèce en voie de disparition ?
Jérôme MONNET, professeur à l’Ecole d’Urbanisme de Paris
Temps d’échange avec la salle, animé par Laurent Coudroy De Lille
Consultez ci-dessous les interventions:
Séquence 2: Les espaces publics: une priorité
Les interventions et échanges doivent permettre de comparer différents exemples d’aménagement urbain dans lesquels la question de l’espace public a été ou non prise en compte dès le départ.
A travers ces exemples, il s’agit de montrer qu’en matière de projet urbain, si l’objectif est de créer de la cohérence, de permettre l’interconnexion des quartiers entre eux, de réduire l’usage de la voiture et de faciliter les autres modes de déplacement, etc., bref, de créer une ville plus agréable et plus facile à vivre pour ses habitants, mettre dès le départ au centre de la réflexion l’espace public est impératif.
1ère Table-ronde : Penser et construire la ville à travers les espaces publics
Jean-Christophe CHADANSON, directeur projet urbain, Bordeaux Métropole
Morgane DELARC, docteure de l'école d'urbanisme de Paris
Stéphane MERCIER, paysagiste-urbaniste, maître de conférences à l’Ecole d’Urbanisme de Paris
Marie-Christine BATTESTI, directrice de l'habitat à la Ville d’Ajaccio.
Temps d’échange avec la salle, animé par Laurent Coudroy De Lille
Consultez ci-dessous les interventions:
Séquence 3: Participation, production et gestion des espaces publics
Cette table ronde doit donner des pistes facilement appropriables pour les acteurs (élus, techniciens, professionnels) impliqués dans les projets urbains. Parmi ces outils, figurent différents guides des espaces publics (Grenoble, Bordeaux).
Seront aussi abordés différente notions ou pratiques telles que la prise en compte des usages pour construire des espaces publics adaptés aux besoins (urbanisme participatif, tactique, collaboratif), l’évaluation des espaces publics ou encore l’évaluation en amont du degré de prise en compte des espaces publics dans la programmation urbaine.
2ème Table-ronde : Quels outils pour quels espaces publics ?
Emmanuel REDOUTEY, maître de conférences à l’Ecole d’Urbanisme de Paris
Anne-Lise COMPARET, architecte paysagiste DPLG, Grenoble Alpes Métropole.
Jean-Christophe CHADANSON, directeur projet urbain, Bordeaux Métropole
Prescilia LANGEVIN, fondatrice de l’agence alt.Urbaine à Genoble
Loïc MARTIN, architecte-urbaniste, AUE
Conclusion et clôture de la journée
Philippe ISTRIA, chef du département OFLU, AUE
Consultez ci-dessous les interventions:
Les présentations Power Point des intervenants: